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🎬 Est-ce que les menstruations change notre goût?

Les papilles s’altèrent-elles quand les Anglais débarquent? Au-delà des clichés et des tabous, mise au point sur les effets réels des menstrues sur la déguste. 

Table des matières

Être une femme dans le monde professionnel du vin, cela requiert déjà un certain nombre de qualités, dont la solidité physique et mentale.

C’est être regardée parfois de haut — façon de parler pour moi avec mes 1m78 et mon caractère bien trempé. C’est être, de temps en temps ou régulièrement, questionnée dans sa légitimité et son expérience, écouter des commentaires paternalistes, s’entendre dire que notre réussite tient en partie à nos jolies jambes ou notre belle gueule… et j’en passe.

Mais ce n’est pas de ça dont on va parler.

Être une femme dans le monde professionnel du vin implique une immense différence avec le fait d’être un homme — n’ayant rien à voir avec nos divergences sociétales, non. Cette différence est d’ordre physiologique et hormonal.

Les règles !

Messieurs, si d’aventure vous êtes encore là, je salue votre esprit de curiosité.

Les femmes — toutes les femmes — sont sujettes à d’immenses variabilités du système hormonal, d’une façon qui impacte chaque mois, plus ou moins selon chacune, tout un tas de choses. Nos humeurs, notre quotidien, nos choix à faire, notre état de fatigue, notre bien-être intestinal, notre alimentation… et aussi, notre dégustation quand on est une professionnelle du vin.

J’ai discuté avec Roland Salesse, ingénieur agronome, spécialiste en biologie moléculaire et cellulaire, pour comprendre les modifications réelles, pendant nos règles, sur nos perceptions sensorielles.

Puis je me suis entretenue avec trois femmes du “sommité” de rédaction d’Au Comptoir, bien concernées par le sujet, pour comprendre leur relation à ces variabilités d’un point de vue sensoriel.

Sarah Bouasse – qui travaille avec son nez tous les jours. Marcelle – qui déguste mets et vins à longueur de journée. Et Diane – qui sollicite également ses sens de l'odorat et du goût en professionnelle du vin.

Je vous laisse découvrir l’échange en vidéo.

Cependant, je tenais à remettre à l’écrit quelques éléments pertinents à retenir.

L’impact principal à noter est que, pendant les règles, il s’opère un effondrement de la progestérone qui met l’organisme dans un état de tranquillité. Le sujet n’a pas encore été réellement traité, mais il est certain que cela joue un rôle majeur sur la modification des capteurs sensoriels. La progestérone a un effet sédatif ; sa chute peut entraîner un état de fatigue ou de vulnérabilité.

Cet état hormonal modifié peut teinter, pour certaines femmes, la vie d’émotions dites négatives, difficiles. Et l’humeur influence directement la perception hédonique. C’est un phénomène dû au dysfonctionnement du cerveau.

Laissons de côté ici l’impact de la douleur, des inconforts physiques, de la fatigue cognitive et autres variations de température corporelle — fréquentes pendant les règles — qui influencent aussi les perceptions sensorielles, pour se concentrer sur notre salive.

La composition de la salive joue un rôle essentiel dans le voyage du goût et des saveurs (acide, amer, sucré, salé). Et l’état émotionnel dans lequel on se trouve — fatigue, anxiété, tristesse ou autre — modifie la composition de la salive.

On comprend mieux, alors, pourquoi les “bonnes femmes” que nous sommes ne perçoivent pas toujours la vie avec une saveur constante.

Pour terminer, Roland m’a expliqué que toutes nos cellules — et en particulier les neurones olfactifs et les cellules gustatives — possèdent des récepteurs à presque toutes les hormones. La boucle est bouclée : on ne s’étonnera donc pas si le grand vin rouge tannique apprécié jour 10 du cycle nous paraît affreusement ferrugineux jour 28.

Ce sont nettement plus les perceptions des saveurs qui se voient modifiées. Envie de sucre ou de gras ? Plus sensible à l’acidité ou au tanin ? Moins de plaisir à déguster des produits fins, complexes et subtils (comme certains vins) ? Davantage d’attirance vers des produits plus ronds, riches, simples ? N’ayez crainte, mesdames, c’est normal et vous n’êtes pas seules.

Petit aparté sur le tanin : 

Les tanins, présents dans la peau du raisin, sont à l’origine des plus grands désagréments lors de modifications hormonales. Les protéines de la salive et du mucus (le mucus couvre la langue et les parois buccales) précipitent en présence de tanins, ce qui confère ce côté rugueux dû à l’exposition directe de l’épithélium et aux « grains » de précipité.

Par ailleurs, les tanins capturent les minéraux, dont le fer. Résultat : si t’es au fond du seau à cause de tes règles et que ton taux de fer te lâche comme un saut en wingsuit, il y a de fortes chances que tu aies plus de mal à déguster des vins rouges tanniques sans faire de grimace.

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Les menstruations et la degustation
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Par Leslie Brochot

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