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Il y a des vins qu’on trouve aux quatre coins du monde, qu’on sert dans tous les bistrots, qui attendent patiemment dans toutes les caves ; on cite sans équivoque l’élégant Chardonnay, l’aromatique Sauvignon Blanc, le délicat Pinot Noir, le robuste Cabernet Sauvignon, ou encore le doux Merlot. Et pourtant, nul de ces grands cépages tant appréciés n’est le plus planté au monde. Car ce dernier est… une variété japonaise.
Dans un rapport publié en 2018 par l’OIV, c’est le Kyoho qui arrive en tête du palmarès des cépages les plus plantés au monde, avec 365 000 hectares de vignes, suivi par le Cabernet Sauvignon avec 341 000 ha. Comment se fait-il qu’avec autant de surface plantée, le Kyoho soit aujourd’hui si peu connu ?
Tout d’abord, il est cultivé à 90% en Chine (ce qui représente d’ailleurs presque la moitié du vignoble chinois). On le trouve également en Corée du Sud (14,5% du vignoble), aux États-Unis, au Brésil et surtout au Japon dont il est originaire. Croisement entre vinifera Ishiharawase et labruscana Centennial, le Kyoho est très apprécié pour ses grandes baies, sa pulpe douce et gorgée en sucres, et un goût plutôt animal. Bien qu’on en trouve autant dans le monde, on le connaît peu dans la sphère vinicole pour une raison simple – il est principalement cultivé comme raisin de table (ah, la sémantique). Mais pas uniquement ; on en fait bien du vin, souvent en assemblage, parfois seul. Il fallait donc évidemment qu’Au Comptoir, on en goûte !
La quête d’une bouteille de Kyoho sur le sol français s’est montrée digne d’une mission impossible. Heureusement, on a l’âme de Tom Cruise – mais plus concrètement, la deuxième édition du Salon des Vins Japonais à Beaune accueillait en février une vingtaine de vignerons japonais, l’occasion parfaite pour dénicher une bouteille de cette nouvelle obsession. Et elle ne fut pas des moindres : j’ai eu la chance de découvrir les vins d’Aperture Farm de la région de Nagano, dont leur cuvée Non Portrait 2023, 95% Kyoho/5% Merlot, 530 bouteilles produites. Au nez, des arômes de framboises et de cerises croquantes, de feuilles de tomate ; en bouche, une grande fraîcheur, des tanins qui apportent un peu de structure, et ces belles notes de fruits rouges. Dans mon carnet, je dessine un cœur. On me dit que tous les Kyoho ne sont pas de ce niveau… Bacchus me sourit. Et moi je me redis : vive la diversité.
Lara Edington