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Trois piliers de comptoir qui sont entrés dans l’histoire

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S’ils ne sont plus très fameux aujourd’hui, il est temps d’honorer la mémoire de ces trois valeureux qui auraient contribué au vocabulaire du comptoir… à coups de cuites.

Milord l’Arsouille

Au Moyen Âge, un ivrogne était nommé un souillard. Le temps et le verlan le déformèrent en arsouille, largement répandu dans les estaminets parisiens. Un certain lord Seymour, qui menait grand train à Paris, était très connu des Parisiens pour ses largesses et ses copieuses beuveries. À Belleville, notre lord aviné était le roi de la « descente de la Courtille ». Événement populaire de Belleville, ce carnaval était le préféré de notre nobliau, qui s’arsouillait tellement qu’il fut surnommé « Milord l’Arsouille ». Avec un infini respect, car il avait, lui aussi, une bonne descente !En réalité, le vrai Milord répondait au nom de Charles de La Battut, jeune Parisien dispendieux qui se signalait par une voiture à la déco chargée tirée par six chevaux. Un personnage festif qui donna son nom à un restaurant mythique, à un film, et à l’expression s’arsouiller, le verbe « s’arsouiller » donc. À savoir : se mettre une race.

Henry Murger

Au rayon gueule de bois, d’où vient l’expression « se prendre une murge » ? Remontons aux années 1840 : sale temps pour les artistes ! Autrefois soutenus par les cours princières, ils n’ont plus un radis… mais gardent le sens de l’humour : un groupe se forme autour d’Eugène Pottier, l’auteur de L’Internationale. Nadar, les éthérés Baudelaire et Nerval, mais aussi l’écrivaillon Henry Murger adhèrent à l’association d’entraide d’aspirants artistes, « Les Buveurs d’eau »… Habitué des cafés d’étudiants, le fêtard Henry triomphe avec un roman inspiré par sa vie de bâton de chaise et celle de ses potes de biture. Avec ses Scènes de la vie de bohème, il invente l’autofiction, mais surtout un mythe ! Celui d’un Paris empli d’étudiants fauchés et de grisettes, inspiré par la Bohême, une région tchèque réelle peuplée de musiciens.Sympathique mais vite daté, son roman est éclipsé par La Bohème, l’opéra de Puccini, qui immortalise cette faune attachante. En réalité, « se murger » a moins à voir avec Henry qu’avec Alphonse Murge, inconnu qui donna son nom à une rue du quartier vineux de Bercy aujourd’hui disparue, où l’on avait coutume de venir se coller une « murge ».

Jean Ramponneau

Au XVIIᵉ siècle, il fallait dépasser les barrières de Paris pour palper un petit vin clairet sans payer de taxes. C’est au village de Belleville que les amateurs de cabaret se pressent alors. Fils de tonnelier bourguignon, Jean Ramponneau s’installe au Tambour Royal. Entrepreneur malin, il vend la pinte un sou moins cher que ses voisins. C’est un carton ! Sa réputation est telle qu’un monteur de marionnettes lui propose de jouer son propre rôle, ce qu’il accepte… avant de refuser, non sans avoir empoché des arrhes, donnant lieu à un procès comique où Voltaire le soutient. De son temps, il y eut une mode « à la Ramponneau », la robe-tonneau faisant fureur. Après sa mort, Ramponneau finit par désigner un cabaret, puis un café, notamment en Belgique ; en wallon, ramponô est devenu le filtre où l’on passe le café. En argot et dans la langue populaire, il peut désigner un coup à boire, mais surtout un coup tout court, et des plus percutants ! Comme dans cet extrait des Enracinées, témoignage de 1903 sur la vie des détenues :« Quant au vieux, s’il veut nous dénoncer, j’écrirai tout à sa femme, et je lui ferai coller un “ramponneau” par Émile. »

Par Marcelle Ratafia

NDLR : il peut tout de même à ce stade être utile de rappeler que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération tout de même.

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